Andriy Chubatyuk
Rompre les négociations – êtes-vous responsables ?
Conformément au principe de la liberté contractuelle, les parties peuvent mettre fin à leurs négociations et refuser d’entrer en contrat discuté (art. 19 CO in fine).
Certes une obligation contractuelle ne naît qu’en raison du contrat valablement conclu, il existe également une responsabilité avant même de le conclure. Les parties sont tenues de négocier de bonne foi et d’éviter un comportement contradictoire.
Chacun est tenu d’exercer ses droits et d’exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC). L’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé par la loi (art. 2 al. 2 CC).
Obligations de la bonne foi
La bonne foi est une notion juridique indéterminée, ancrée dans la Constitution fédérale (art. 5 Cst). Pendant les négociations en vue de conclure un contrat, les parties sont tenues de respecter les exigences suivantes:
- Négocier sérieusement.
- Ne plus poursuivre les négociations tout en savant qu’elles sont vouées à l’échec.
- Faire un effort raisonnable de résoudre les circonstances empêchant la conclusion du contrat.
- Renseigner l’autre partie sur les faits importants que la partie n’est pas en mesure d’identifier ou connaître.
- Ne pas tromper l’autre partie en créant une impression illusoire qu’un contrat sera conclu et l’amener à prendre des dispositions dans ce but.
- Ne pas faire croire l’autre partie que le souhait de conclure l’affaire est plus fort qu’il l’est en réalité.
- Ne pas tarder à informer l’autre partie de l’échec des négociations.
En effet, avant même de conclure un contrat le principe de la bonne foi permet de retenir une relation juridique entre les parties qui leur impose des obligations réciproques, notamment un devoir de négocier conformément à leurs véritables intentions.
L’échec des négociations n’entraine pas forcément la responsabilité d’une partie. Ce n’est que lorsqu’une partie y met fin ou refuse de les poursuivre de mauvaise foi (culpa in contrahendo).
Comportements de mauvaise foi
Il n’existe pas de liste exhaustive des comportements fautifs, mais voici quelques exemples:
- Le bailleur propose un appartement pour la location sur un site web ou à travers son agence, alors qu’il a déjà conclu un contrat de bail avec un proche. Des locataires ont payé des frais usuels pour préparer leur dossier, mais en vain.
- Le vendeur d’une société assume des frais usuels pour préparer la documentation (par exemple un due diligence en vue de la vente d’une société) alors que l’autre partie n’avait pas d’intention réelle de conclure l’achat dès le début, mais donnait un fort espoir de son intention de conclure l’affaire.
- Dans une négociation en vue de constituer un consortium de construction, une entreprise se rend compte que son budget ne sera pas suffisant et qu’elle ne peut plus poursuivre les négociations. Cela étant, elle ne notifie rien à ce propos à l’autre partie pendant 2 mois alors que cette autre partie est chargée de préparer son budget, ce qui lui coûte du temps et de l’argent.
- Une partie donne une impression manifeste de renouveler le contrat, raison pour laquelle le sous-traitant n’a pas accepté d’autres mandats. Le jour d’expiration du contrat précédent, le maître d’ouvrage refuse de le signer sans aucune raison.
La responsabilité précontractuelle peut être engagée non seulement en vue de la conclusion du premier contrat, mais aussi en vue d’une prolongation ou renouvellement d’un contrat existant.
Promesse de conclure et exigence de forme
L’obligation de passer une convention future peut être assumée contractuellement (art. 22 al. 1 CO). Dans ce sens un “précontrat” doit contenir tous les éléments essentiels du contrat. En conséquence, il ouvre non seulement le droit à la réparation des dommages, mais aussi à l’action en condamnation de conclure le contrat promis.
Tel n’est en revanche pas le cas d’une lettre d’intention (letter of intent) qui ne promet que l’engagement de négocier de bonne foi sans conclure l’affaire. Un accord de non-divulgation prévoit très souvent que les parties ne sont pas obligées de conclure l’affaire, mais se borne à imposer des restrictions de confidentialité.
Cela étant, certains types de contrats sont soumis à une forme écrite ou authentique et ne sont pas valable si la forme n’est pas respectée. Il est ainsi plus difficile à admettre la responsabilité précontractuelle dans ces cas. En effet, la même forme est exigée pour la promesse de contracter.
Lorsque, dans l’intérêt des parties, la loi subordonne la validité du contrat à l’observation d’une certaine forme, celle-ci s’applique également à la promesse de contracter (art. 22 al. 2 CO).
Dommage, causalité et faute
Le principe de la responsabilité précontractuelle suppose un dommage subi par une partie en conséquence (lien de causalité) du comportement de mauvaise foi. Il peut s’agir principalement du dommage éprouvé (damnum emergens) ou du gain manqué (lucrum cessans).
La partie qui ne respecte pas ces obligations répond non seulement lorsqu’elle n’a pas fait preuve d’astuce au cours des pourparlers, mais déjà lorsque son attitude a été de quelque manière fautive, qu’il s’agisse de dol ou de négligence, dans les limites tout au moins de la responsabilité qu’elle encourt sous l’empire du contrat envisagé par les parties.
Recommandations
Observez les recommandations suivantes pour mieux gérer vos négociations et affaires:
- Évitez des promesses irrévocables et inconditionnelles de conclure un contrat si vous n’êtes pas sûrs, ou si une condition doit être réalisée.
- Ne mentionnez pas tous les points essentiels du contrat avant d’être sûr de le conclure, y compris dans les canaux informels comme messagerie, courriel ou courrier.
- Avertissez l’autre partie sans délai de votre intention de mettre fin à des négociations.
- Expliquez, dans la mesure du possible, les raisons de la fin des négociations et assurez-vous que ces raisons ont un lien avec les expectatives initiales communiquées.
- Dressez un document détaillant vos intentions de négocier sérieusement, tout en précisant qu’il n’y a aucune promesse ni obligation de conclure un éventuel contrat.
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