Fondateur et PDG d’AdminTech, Andriy Chubatyuk, sur son parcours d’avocat et d’entrepreneur : une interview avec la Swiss LegalTech Association
La technologie est en train de transformer la gestion des processus juridiques. Chez AdminTech, nous sommes à la pointe de cette évolution : nous combinons l’expertise de spécialistes du droit et de la technologie pour aider les entreprises suisses, les fiduciaires et les équipes juridiques à gérer les tâches courantes avec plus d’efficacité.
Lors d’un récent entretien avec la Swiss LegalTech Association, notre Fondateur et CEO, Andriy Chubatyuk, a partagé son parcours, de son rôle d’avocat fiscaliste à la création de la start-up LegalTech AdminTech, ainsi que ses perspectives sur les innovations et tendances futures qui façonneront le paysage juridique.
Regarder : Andriy Chubatyuk en discussion avec la Swiss LegalTech Association
Introduction et Contexte
Nicolas : Bonjour à tous. Bienvenue à cette conférence de la SLTA. Nous sommes aujourd’hui avec Andriy Chubatyuk. Il est le CEO et fondateur d’AdminTech, et il est là pour nous parler de son entreprise, du marché, de son expérience personnelle, et pour partager ses perspectives. Bonjour Andriy, ravi de vous rencontrer.
Andriy : Bonjour Nicolas, ravi de vous rencontrer également. Merci pour l’invitation.
Du Droit à la LegalTech
Nicolas : Vous avez donc créé AdminTech, une start-up LegalTech en Suisse. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre entreprise et votre activité ?
Andriy : Oui, AdminTech a été fondée en tant qu’entreprise technologique avec pour objectif spécifique d’aider les entreprises dans leurs tâches courantes quotidiennes, leur documentation administrative et leurs questions juridiques. La LegalTech fait partie de notre activité, et c’est sur cela que nous nous concentrons actuellement.
Nicolas : Excellent, merci beaucoup. Vous avez un parcours impressionnant. Vous êtes titulaire d’un Master en Droit, vous avez de l’expérience en tant qu’avocat fiscaliste, et vous avez même écrit un livre sur le droit fiscal suisse. Qu’est-ce qui vous a inspiré à passer à la LegalTech et à créer une start-up ?
Andriy : En tant qu’ancien avocat, vous le savez : toutes les personnes qui ont fait des études de droit veulent aider les gens. En tant que spécialiste, vous pouvez aider beaucoup de monde, mais vous ne disposez que de 24 heures par jour. Si vous voulez vraiment avoir un impact majeur sur le monde, vous devez diriger une équipe de spécialistes et devenir un visionnaire. De plus, mon père est un entrepreneur et mon frère est un homme d’affaires. C’était une évolution naturelle pour moi d’utiliser mon expertise pour la partager, former mes collaborateurs, bâtir une équipe et avoir un impact plus important pour améliorer le monde, car personne ne peut le changer seul.
Combler l’écart du marché et Améliorer l’expérience utilisateur
Nicolas : C’est un très bon argument. J’ai lu qu’avant de fonder AdminTech, vous aviez travaillé dans des entreprises de toutes tailles. Vous avez remarqué que les petites entreprises manquaient du soutien juridique dont elles avaient besoin, et vous avez eu un « déclic ». Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Andriy : Mon entreprise a été fondée en 2021, au début de l’ère post-Covid, ce qui a été le « déclic ». J’ai réalisé qu’il y avait un écart très important dans la manière dont les gens percevaient les impacts de la Covid. Les petites et moyennes entreprises y ont vu une révolution dans leur façon de travailler. Malheureusement, la plupart des sociétés de conseil et des sociétés juridiques y ont vu un désagrément temporaire et étaient heureuses de revenir à leurs méthodes traditionnelles. Cela a créé un fossé entre l’offre et la demande, et j’y ai vu une opportunité de marché à combler.
Nicolas : C’est un point très intéressant. Vous abordez l’un des plus grands problèmes du droit : l’expérience utilisateur. Votre plateforme y remédie en montrant en temps réel ce qui se passe lorsqu’un utilisateur effectue une modification. S’agissait-il d’une réflexion consciente sur l’expérience utilisateur ? Comment en êtes-vous arrivé à ce type d’interface ?
Andriy : Je pense que les entreprises aiment garder le contrôle, en particulier les entrepreneurs. Ils veulent voir le résultat de leur travail immédiatement. L’édition de texte en temps réel – où les clauses changent en fonction des choix et des informations que vous fournissez – donne un retour immédiat au chef d’entreprise, qui peut vérifier s’il est satisfait ou s’il souhaite modifier. C’est une bien meilleure expérience que d’attendre une semaine pour avoir une réponse d’un avocat.
Feuille de route Développement et IA
Nicolas : C’est un argument valable. Vous avez donc lancé votre plateforme avec un outil de création et des modèles de contrats. Quelle est la feuille de route pour le développement ? Envisagez-vous davantage d’intégrations ou de fonctionnalités ? À quoi cela ressemble-t-il ?
Andriy : Je vais vous donner un aperçu. En septembre, nous lançons notre nouvel agent IA, qui va absolument révolutionner la façon dont les gens créent des accords. Vous aurez une conversation comme vous l’auriez avec un avocat, et il identifiera les erreurs, vous guidera et vous proposera des solutions de manière proactive. Sur cette base, vous obtiendrez votre document juridique. Ceci est censé révolutionner l’expérience car l’interaction sera plus humaine et fluide. Nous lançons ceci dans deux à trois semaines, mais nous travaillons également sur beaucoup de développement d’IA pour améliorer nos services. Vous en saurez plus au cours des prochains mois.
Nicolas : Au moment de l’enregistrement de cet entretien, ChatGPT-5 vient d’être mis à disposition. Je dois vous demander : quel type d’IA utilisez-vous ? Est-ce quelque chose que vous pouvez partager ?
Andriy : Je ne peux pas vous dire exactement quelle IA nous utilisons, mais je peux vous dire que nous utilisons plusieurs modèles de langage simultanément. Notre système est construit sur une approche multi-agents, ce qui est crucial car cela nous donne de la flexibilité. Comme vous l’avez dit, si un nouveau LLM sort et qu’il est plus puissant ou meilleur pour une tâche spécifique, nous pouvons basculer vers celui-ci tout en laissant d’autres modèles de langage pour d’autres tâches. Nous ne dépendons pas d’un seul fournisseur, ce qui nous permet de passer à l’échelle et d’être flexibles en même temps.
Équilibrer le risque en tant qu’avocat et CEO
Nicolas : D’accord, je comprends. C’est très logique. De votre point de vue personnel, vous portez deux casquettes : celle d’avocat et celle de CEO de start-up. Ce sont généralement deux profils de risque très différents. Les avocats que je connais gèrent les problèmes par la gestion des risques et ont tendance à dire non au risque. Les CEO, en revanche, ont tendance à être très tolérants au risque et disent souvent : « Je le prends. » Comment équilibrez-vous ces deux profils de risque ?
Andriy : Si être avocat est mon expérience et ma profession, je suis avant tout un CEO et un homme d’affaires. Je ne pense pas que l’on puisse accomplir quoi que ce soit de bien dans la vie sans prendre de risques. L’important est que les risques doivent être anticipés et préparés. Toutes mes décisions, aussi audacieuses soient-elles, sont basées sur des données, des analyses et sur l’expérience et l’expertise de mon équipe, en laquelle j’ai confiance et que je consulte. Je prends donc des risques, mais ils sont calculés.
Fiabilité comparée aux services juridiques traditionnels
Nicolas : C’est une très bonne position. Je suis toujours favorable à la prise de décision basée sur les données plutôt qu’aux décisions fondées sur « l’intuition ». On peut le faire, mais si l’on dispose de données, il faut les utiliser. Très bien, pour en venir au cœur du projet. Vous avez mentionné les inconvénients de l’utilisation des services juridiques traditionnels. Mon point de vue général est que le choix d’utiliser un logiciel en ligne ou un avocat dépend de la situation. Quel niveau de fiabilité est nécessaire pour vos services par rapport à un avocat traditionnel ? Pourquoi est-il préférable, pour les risques que vous abordez, de s’adresser à un service en ligne plutôt qu’à un avocat traditionnel ?
Andriy : Je vois une grande différence entre les services de haute expertise et les services de coût moyen et faible. Bien entendu, si vous voulez conclure l’« accord du siècle », vous aurez de nombreuses questions et vous devrez consulter un avocat. Mais généralement, lorsqu’une petite ou moyenne entreprise contacte une étude d’avocats pour un accord, cette étude remplit un modèle. Ces modèles sont établis au préalable par des avocats humains. Nous utilisons simplement la technologie pour modifier le processus. L’expertise est présente, mais notre technologie permet de la fournir différemment. En termes de fiabilité, statistiquement, un tiers des plaintes pour faute professionnelle déposées contre des études d’avocats sont dues à une mauvaise vérification des documents. Notre système fait cent fois moins d’erreurs que cela. Par conséquent, pour cette tâche spécifique, nous sommes meilleurs que le service juridique général que vous pourriez attendre.
Nicolas : Pensez-vous qu’il y ait plus de tolérance si l’on achète un service en ligne par rapport à un service juridique traditionnel ? Peut-être accepterait-on une erreur plus facilement.
Andriy : Non, pas nécessairement. Les gens ne veulent pas d’erreurs, mais ils ont un sentiment de confiance. Une fois qu’ils font confiance à votre plateforme, c’est comme s’ils faisaient confiance à un avocat avec lequel ils travaillent depuis longtemps. Ce qui est important pour eux, c’est l’expérience immédiate. Les entreprises ne constatent pas nécessairement une erreur dans leur accord avant, peut-être, cinq ans plus tard lorsqu’elles se retrouvent devant les tribunaux et perdent. Mais ce qu’elles voient immédiatement, ce sont des prix non transparents, des délais non respectés, et des réponses peu claires. C’est un facteur de différenciation important pour l’entreprise.
Conçu pour les entreprises qui ne peuvent attendre
Nicolas : Quel est votre client type ? À quoi ressemble-t-il, et à qui vos services sont-ils destinés ?
Andriy : Notre premier projet, les modèles intelligents, s’adresse aux petites et moyennes entreprises. Je ne dirais pas que cela dépend de la taille, mais plutôt du rythme de l’entreprise. Nous constatons que beaucoup de nos clients concluent des accords les week-ends, tard le soir, et qu’ils en ont besoin de toute urgence. Notre clientèle est donc composée d’entreprises pour lesquelles le temps est essentiel. Dans un monde numérique, attendre quelques jours pour signer un accord que l’on vient de négocier est absurde.
Réponse de la communauté juridique
Nicolas : Je peux comprendre cela. Quel type de réponse avez-vous reçu de la communauté juridique ? Avez-vous rencontré des résistances, ou avez-vous été soutenu ? Mon expérience est que c’est très variable.
Andriy : Je suis d’accord. Je dirais ceci : il y aura toujours des gens qui diront que la meilleure façon de prendre une photo est d’utiliser un appareil photo argentique noir et blanc, et ce n’est pas une mauvaise chose. Puis il y a ceux qui opteront pour les appareils photo numériques et iront de l’avant. J’ai simplement décidé d’être du second côté de cet écart.
Formation et Démocratisation des services juridiques
Nicolas : Vous avez également été actif dans la formation, en écrivant un livre et des articles. En quoi est-ce important pour vous, et comment cela s’inscrit-il dans les objectifs d’AdminTech ?
Andriy : Il y a deux raisons à cela. Comme l’a dit Richard Feynman, si vous voulez maîtriser quelque chose, vous devez l’enseigner. Je pense que beaucoup d’avocats rédigent des articles et des livres dans ce but. L’autre raison est que cela s’aligne sur ma vision fondamentale de la démocratisation des services juridiques. Que ce soit en publiant des livres, en écrivant des articles, en bloguant sur LinkedIn, ou en créant un SaaS qui aide les entreprises à acquérir des services juridiques à un prix meilleur et plus transparent, tout cela fait partie de la même vision pour rendre le savoir et les services juridiques plus accessibles.
Transparence des prix et Tendances du secteur
Nicolas : Quand vous parlez de « prix plus transparent », j’ai le sentiment que ces dernières années, les avocats ont mis à jour leurs modèles commerciaux. Beaucoup sont prêts à vous proposer différentes méthodes de tarification. Je pense qu’ils abordent également la question de la transparence. L’avez-vous constaté ?
Andriy : Oui, parce que la tendance est là. Beaucoup d’entre eux comprennent que les exigences des entreprises ont changé. Voyez les choses ainsi : vous pouvez obtenir un abonnement instantané à Netflix ou louer un ordinateur portable pour votre entreprise immédiatement. Pour une entreprise, surtout une entreprise en croissance, elle veut savoir quels coûts elle peut anticiper et comment calculer son budget. Payer une provision d’honoraires et s’attendre ensuite à une facture basée sur un taux horaire – que ce soit 5 000 ou 50 000 – est tout simplement inacceptable. Ils sont donc contraints de changer leur modèle commercial. Dans dix ans, tout le monde passera à ce modèle. Les « feuilles de temps clandestines » appartiendront au passé.
Nicolas : « Feuilles de temps clandestines. » Pour être honnête, j’ai vu des données qui suggèrent que lorsqu’un avocat peut dire à un client : « Selon notre expérience, les cas comme le vôtre prennent huit mois, coûtent entre 10 000 et 12 000, et nous avons gagné sept cas sur dix », ils sont plus susceptibles de signer un accord, même s’il est plus cher. C’est bien de données dont vous parliez.
Andriy : Oui, des décisions basées sur les données. Lorsque vous êtes entrepreneur, c’est toujours une décision d’aller en justice ou de trouver un règlement à l’amiable. Lorsqu’ils vous disent : « Vous avez 70 % de chances de gagner, les coûts juridiques seront de tant, et le temps et l’énergie nécessaires seront ceux-là », vous faites les calculs et décidez quels risques vous allez prendre. C’est la première partie du conseil juridique que l’étude d’avocats devrait fournir : vous donner la perspective de ce à quoi vous attendre.
Partenariats et Collaboration
Nicolas : C’est logique. Vous avez mentionné l’importance de ne pas changer le monde seul. Avez-vous établi des partenariats avec d’autres entreprises ? Comment voyez-vous la collaboration pour AdminTech ?
Andriy : Tout d’abord, AdminTech fait partie du Business Innovation Group, un accélérateur pour start-ups IT. J’ai également été ancien directeur d’une société fiduciaire chez LedgerPeek, que j’ai aidé à créer en tant que « fiduciaire du futur » — entièrement sans papier avant que cela ne se généralise. AdminTech est mon deuxième projet. Ce qui est important, c’est que nous avons développé de nombreux partenariats avec des entreprises technologiques tout au long de mon parcours. Nous élargissons maintenant notre champ d’action car il y a un fossé que nous devons combler entre les entreprises et les études d’avocats. Nous avons une base solide du côté commercial du marché et nous nous aventurons davantage dans les solutions de niveau entreprise pour les études d’avocats. Si je peux fournir un bon service avec mon savoir-faire, pourquoi n’aiderais-je pas d’autres études d’avocats à faire de même ? Nous envisageons de nombreux partenariats stratégiques. Nous avons lancé le produit sur le marché l’été dernier et avons testé le marché des PME, obtenant des informations et des données précieuses. Notre prochaine étape est d’atteindre le niveau entreprise et de bâtir des partenariats stratégiques durables en Suisse et dans les pays voisins.
Défis liés au lancement d’une start-up LegalTech
Nicolas : D’accord. Pour en venir à l’environnement des start-ups en Suisse, quels sont, selon vous, les plus grands défis si l’on veut lancer une entreprise de LegalTech ? Quels défis avez-vous rencontrés et comment les avez-vous surmontés ?
Andriy : Il y a beaucoup de défis. Le numéro un est de trouver la bonne équipe. Mon équipe ne s’est pas formée immédiatement ; des gens sont venus et sont partis. Parfois, vous avez deux spécialistes incroyables, mais ils ne travailleront pas ensemble. Donc, la constitution de l’équipe est la priorité numéro un. Le réseautage est compliqué. L’environnement multilingue, que vous soyez à Genève ou à Zurich, et que vous parliez allemand, sont autant de points à considérer. En fin de compte, tout est une question de personnes. La Suisse est un petit pays, nous n’avons pas 350 millions de personnes comme aux États-Unis où l’on peut trouver toutes sortes de spécialistes. Il faut donc choisir avec soin, et cela prend un peu plus de temps, mais c’est faisable.
Financement, Ressources et Politique
Nicolas : Et en termes de ressources disponibles pour le financement, d’incitations fiscales potentielles, ou d’infrastructure ? Quel a été votre ressenti à ce sujet ?
Andriy : Pour l’instant, nous sommes autofinancés en pré-amorçage. En termes d’incitations, je pense que la Suisse est plus conservatrice lorsqu’il s’agit d’investir dans la LegalTech et les technologies futures. Je n’irais même pas jusqu’aux impôts ; je dirais que le gouvernement ne se soucie pas vraiment de l’innovation du tout. C’est mon point de vue. C’est un défi, bien sûr, mais les défis doivent être surmontés.
Réglementation de l’IA et Recommandations gouvernementales
Nicolas : Si vous deviez dire au gouvernement en tant que CEO et fondateur : « Voici ce qui nous aiderait vraiment à créer davantage de start-ups et à continuer à soutenir la position de la Suisse en tant que pays innovant », quelle serait la chose numéro un que vous suggéreriez ?
Andriy : J’ai récemment publié un article à ce sujet. J’y ai dit que pour que la Suisse prospère, nous devons rendre les règles de développement de l’IA aussi flexibles que possible afin d’attirer toutes sortes de talents. Nous devons devenir le hub de données numéro un en Europe sans compromettre nos principes de confidentialité et de protection des données, tout en démocratisant l’approche des nouvelles technologies. S’il faut deux à trois ans pour faire une réforme pour rendre quelque chose disponible, c’est trop tard.
S’adapter à l’évolution rapide de la technologie
Nicolas : L’innovation se produit extrêmement rapidement. Comment élaborer une planification stratégique si un modèle complètement révolutionnaire sort tous les six mois ?
Andriy : Heureusement, lorsque des modèles révolutionnaires apparaissent, ils sont disponibles sur le marché gratuitement. Il suffit de les suivre de près et d’être conscient de ce qu’il faut anticiper. J’ai des spécialistes dans mon équipe pour cela, et nous restons à jour. Comme je l’ai déjà dit, puisque nous sommes flexibles quant aux modèles que nous utilisons, nous pouvons changer à tout moment, ce qui nous donne plus de latitude et une meilleure capacité d’adaptation.
Acquisition de clients et Adéquation au marché
Nicolas : Quels ont été les plus grands défis pour obtenir vos premiers clients en Suisse ?
Andriy : Il n’y a pas eu de défis. Bien sûr, vous devez faire des efforts en marketing, en vente et en UX, mais nous n’avons pas lancé notre projet « à l’improviste ». Nous avons vu que le marché en avait besoin ; il y avait une demande, et nous en étions certains. Lorsque nous avons lancé notre projet, nous avons constaté que les gens l’adoptaient rapidement. Essentiellement, nous n’avons pas eu besoin de convaincre qui que ce soit ; nous avons simplement donné aux gens ce qu’ils voulaient déjà.
Écosystème LegalTech suisse
Nicolas : C’est une question qui nous intéresse à la Swiss LegalTech Association. Comment trouvez-vous l’écosystème LegalTech suisse ?
Andriy : Dans l’ensemble, il est évidemment un peu en retard sur le Royaume-Uni et certainement sur les États-Unis. Il est beaucoup meilleur que celui de nos voisins comme la France, l’Allemagne et l’Italie. Mais je pense qu’il y a deux problèmes qui doivent encore être abordés. Le premier problème est qu’il se concentre trop sur les grandes entreprises et pas assez sur la fourniture de services abordables aux petites et moyennes entreprises, qui sont l’épine dorsale de notre économie et représentent 90 % de notre PIB. C’est un point regrettable. Deuxièmement, il n’y a pas beaucoup de solutions facilement disponibles pour les non-avocats. Il existe beaucoup d’outils pour les études d’avocats, et j’aimerais que l’écosystème LegalTech fournisse plus de services que de simples outils, car c’est ce que nous avons fait avec notre premier projet. Nous avons utilisé des outils, mais nous avons fourni un service.
Tendances futures de la LegalTech
Nicolas : Merci beaucoup pour ces réponses. J’aimerais maintenant passer à la question de savoir à quoi ressemble l’avenir. Quelles tendances observez-vous sur le marché juridique en Suisse ?
Andriy : Sur le marché juridique, j’observe bien sûr une plus grande adoption de la numérisation et des nouvelles technologies. Certaines études d’avocats utilisent enfin au moins le partage et le stockage dans le cloud et toutes sortes d’outils pour rationaliser leur travail. La tendance va donc dans ce sens, même si c’est un peu trop lentement. Je constate une démocratisation des prix et des politiques tarifaires qui deviennent plus transparentes. Je vois que les études d’avocats craignent l’impact des nouvelles technologies, ou plus spécifiquement, elles craignent les autres études d’avocats qui les adopteront plus rapidement. De nombreuses études d’avocats se réveillent et comprennent qu’il y a une course et qu’elles doivent maintenir leur rythme. Je pense que nous verrons de plus en plus de développement de technologies pour les avocats et pour les entreprises. Je suis certain que ce marché se développera très rapidement, et que la vitesse augmentera de manière exponentielle, tout comme les nouvelles technologies et les LLM sont développés de plus en plus et à une vitesse exponentielle.
Priorités : Technologie vs. Avocat
Nicolas : Le facteur exponentiel est un peu préoccupant pour la profession juridique, n’est-ce pas ? En tant qu’avocat, les priorités absolues sont le respect des délais, l’acquisition de clients et la diligence raisonnable — s’assurer que l’on est toujours au top de sa forme et que l’on n’omet aucun argument. Tout ce qui est lié à la technologie passe généralement après ces trois priorités.
Andriy : Je ne serais pas d’accord. Les technologies vous aideront à mieux atteindre ces priorités. Elles vous aideront à passer moins de temps sur les tâches répétitives et vous aideront à vérifier, rédiger et analyser vos données plus efficacement. Les technologies vous aideront. Je ne vois pas pourquoi un comptable refuserait d’utiliser Microsoft Excel ou pourquoi un mathématicien refuserait d’utiliser une calculatrice. De la même manière, je ne vois pas pourquoi certains avocats refusent toujours d’utiliser les technologies.
Nicolas : Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un refus ; du moins selon mon expérience, c’est que la liste des priorités les amène à ne s’intéresser à la technologie qu’après avoir traité toutes les autres priorités. Lorsque je vendais des logiciels, le problème que je rencontrais était que les réunions étaient annulées à la dernière minute en raison d’une échéance. C’est la réalité. Si vous voulez vous intéresser à la technologie, vous devez y consacrer du temps, n’est-ce pas ?
Andriy : Il s’agit du processus commercial et de la structure interne de l’étude d’avocats. Je pense que nous confondons ici les aspects opérationnels et le développement commercial. Bien sûr, vous avez des priorités opérationnelles. Oui, vous avez une échéance, et c’est urgent, et vous devez sauver votre client, aller au tribunal ou rédiger un mémoire. Bien sûr, vous ne pouvez pas le reporter car les échéances sont légales, et vous ne pouvez rien y faire. Mais en même temps, il y a des priorités de développement commercial : adopter de nouvelles technologies et former vos juniors à les utiliser correctement parce que nous savons qu’ils les utilisent. Si vous êtes trop concentré sur les opérations et que vous ne pouvez pas vous occuper de la partie développement commercial, embauchez quelqu’un.
Études d’avocats de petite taille et Adoption technologique
Nicolas : C’est un très bon point. Vous devriez avoir quelqu’un dont le travail est de s’occuper de ces questions. Mais comment les études d’avocats de petite taille gèrent-elles cela selon vous ? Avez-vous déjà vu quelqu’un trouver une bonne solution à ce problème ?
Andriy : Les études d’avocats de petite taille ont plus de chances d’adopter les technologies plus rapidement car elles ne sont pas liées par des politiques d’entreprise rigoureuses. Elles peuvent prendre des décisions plus rapidement. Si elles doivent changer leur technologie, leurs bureaux ou leur façon de travailler, elles peuvent le faire en quelques jours ou semaines, alors que cela prendrait des mois, voire des années, à une grande étude d’avocats. Leur budget est donc plus petit, mais leur rythme est plus rapide.
Remplacement vs. Renforcement du rôle de l’avocat
Nicolas : Comment voyez-vous le dilemme traditionnel de la technologie qui remplace les avocats par rapport aux avocats qui doivent se doter de technologies ? Où vous situez-vous sur cette question du remplacement ?
Andriy : Il ne s’agit pas de remplacement. Je ne comprends pas vraiment le scepticisme. Je pense que la peur vient d’un manque de compréhension, comme on dit : « Nous n’avons pas peur de l’obscurité, mais de ce que nous n’y voyons pas ». Par conséquent, ceux qui ont peur d’être remplacés devraient commencer à se renseigner, à lire à ce sujet et à l’expérimenter. Ou, encore une fois, embaucher quelqu’un qui peut le faire pour eux. Plus vous comprendrez la nouvelle technologie, moins vous la craindrez. Nous avons déjà traversé cela dans l’histoire ; il y a toujours eu un moment où une nouvelle technologie est apparue, il y a toujours eu des sceptiques, et l’adoption des nouvelles tendances prend du temps.
Vision à long terme d’AdminTech
Nicolas : C’est vrai. Où voyez-vous AdminTech dans les prochaines années ? Cela semble être une question très difficile car le paysage évolue si rapidement. Quelle est votre meilleure estimation ?
Andriy : Cela évolue rapidement, mais sans entrer dans trop de détails, l’objectif final est un service automatisé qui prend en charge toutes vos questions juridiques, non seulement de manière réactive, mais aussi proactive. Il devrait s’agir d’une application à laquelle vous pouvez poser une question et qui fait tout pour vous. Elle devrait également vous rappeler de manière proactive : « N’oubliez pas cette échéance ; vous avez besoin de ce document ; le voici ». Cela devrait ne laisser que les tâches d’expertise complexes et de haut niveau aux avocats humains. Le reste — 90 % — devrait être automatisé.
Nicolas : 90 % ? C’est beaucoup.
Andriy : Ça l’est.
Nicolas : Je veux dire, le temps de réflexion stratégique devrait prendre beaucoup de temps, n’est-ce pas ? Cependant, vous pouvez certainement l’améliorer si vous travaillez avec de nouveaux outils.
Andriy : Oui, bien sûr. Mais comme je l’ai dit, c’est une vision pour l’avenir. Je ne dis pas que cela se produira dans un ou deux ans. C’est comme lorsque vous voulez vendre des vaisseaux spatiaux, vous parlez de l’objectif final de la colonisation de Mars. Pour moi, c’est la partie « colonisation de Mars ». Il nous reste encore beaucoup de choses à faire pour y parvenir, et chaque étape clé aura toujours un impact important sur le fonctionnement du secteur juridique.
Nicolas : C’est logique. Au moins, j’espère que nous ne ferons pas exploser 50 vaisseaux spatiaux en allant vers Mars.
Andriy : Certains vaisseaux spatiaux doivent exploser. Je suis plutôt d’avis qu’une amélioration constante vaut mieux qu’une perfection retardée.
Nicolas : C’est logique. Et c’est un état d’esprit très entrepreneurial, n’est-ce pas ? Il faut juste commencer, même s’il y a des risques et que des choses vont mal tourner. Si vous commencez, vous confrontez vos idées au marché et vous obtenez des retours, ce qui vous permet de les améliorer.
Andriy : Oui, bien sûr. Il y a toujours quelque chose dans la vie que nous avons appris pour la première fois. Nous avons appris à parler, à marcher, etc. Personne n’a jamais dit : « Vous ne devriez pas essayer ; vous n’avez jamais fait cela auparavant. »
Remarques finales
Nicolas : Oui, c’est logique. Très bien, ceci conclut notre discussion pour aujourd’hui. Merci beaucoup, Andriy, d’avoir été avec nous. Nous étions avec Andriy Chubatyuk d’AdminTech. Nous espérons vous revoir dans une future vidéo de nos conférences SLTA, et nous vous remercions de votre attention. Vous pouvez consulter notre site web à l’adresse swisslegaltech.ch, et vous abonner à notre chaîne YouTube, Swiss Legal Tech, si ce type de contenu vous plaît. Nous espérons vous revoir bientôt.
Andriy : Merci, Nicolas.
Andriy envisage un avenir où un service automatisé prendra en charge 90 % de toutes les questions juridiques — mais le chemin vers cet objectif a déjà commencé. Il commence par le rejet des goulots d’étranglement bureaucratiques et des retards « absurdes ». Il commence par l’adoption d’une technologie qui rationalise les tâches courantes, offre une clarté instantanée et permet aux entreprises, aux avocats et aux fiduciaires de se concentrer sur ce qui compte vraiment : la stratégie, la croissance et l’impact.
